Le marché des crédits immobiliers est en ébullition avec d'un côté une montée des taux d'intérêts et de l'autre un nombre de dossiers rejetés par les banques sans cesse plus important.
Nous avons donc contacté un expert du domaine, Olivier LENDREVIE, Président de CAFPI, pour mesurer l'impact de cette conjoncture sur les investissements dans de l'immobilier locatif.
La Rédaction
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Olivier LENDREVIE
Olivier Lendrevie, président de CAFPI depuis septembre 2021. Mon arrivée fait suite au rachat de CAFPI par Blackfin, un fonds d'investissement français spécialisé dans les services financiers fintech et assurtech.
La Rédaction
Le taux d'usure est brandi comme le fautif de cette crise de l'immobilier. Pouvez vous expliquer en quoi consiste ce taux et comment il se calcule sur un dossier ?
Olivier LENDREVIE
Ce taux a été conçu pour protéger les emprunteurs, c'est le taux maximum au-dessus duquel une banque ne peut prêter. Aujourd'hui et jusqu'au 1er octobre, il est à 2,57% pour les prêts sur 20 ans et plus. Ce taux d'usure est composé : du taux d'intérêt de la banque, du taux d'assurance emprunteur et de divers frais.
La Rédaction
Et pourquoi le taux d'usure pose un problème aujourd'hui ?
Olivier LENDREVIE
Ce n'est pas le taux d'usure en lui-même qui pose un problème aujourd'hui, c'est sa méthode de calcul. Les modalités de fixation de ce taux induisent un décalage de 6 à 9 mois par rapport aux taux pratiqués par les banques sur le terrain. Ainsi, le taux d'usure, au 1er juillet dernier, est passé de 2,40% à 2,57% pour les prêts à 20 ans et plus, alors que les taux pratiqués par les banques depuis le début de l'année ont pris +1%...
La Rédaction
Est-ce que le marché de l'investissement de type LMP / LMNP dans des biens comme les Résidences services pour Senior sont impactés par cette crise des prêts ?
Olivier LENDREVIE
Il est certain que nous observons un ralentissement pour toutes les catégories d'investissement immobilier du fait du taux d'usure mais également, il ne faut pas l'oublier, des contraintes du Haut Conseil de Stabilité Financière (HCSF), obligatoires depuis le 1er janvier 2022. La problématique du taux d'usure bloque les investissements type LMNP. Les investissements de type LMP, qui peuvent être financés hors usure, sont dans les faits aujourd'hui très peu utilisés du fait des critères d'éligibilités qui se sont fortement durcis l'année dernière.
La Rédaction
Avez-vous une idée du pourcentage de dossiers de financement refusés avec cette nouvelle donne des crédits immobiliers ?
Olivier LENDREVIE
Depuis le 1er juillet, chez CAFPI, ce sont 42% des dossiers présentés aux banques qui ont été refusés contre 15% en début d'année.
La Rédaction
Quels sont les profils d'investisseurs les plus touchés dans le cadre de tels projets ?
Olivier LENDREVIE
Aujourd'hui, et c'est la grande nouveauté, ce sont des gens avec des revenus confortables qui se heurtent au taux d'usure en raison du coût de leur assurance emprunteur car ils ont plus de 45 ans.
La Rédaction
Comment s'adapter à la conjoncture : • En ayant un apport supérieur ? En revoyant à la baisse la taille de l'appartement dans lequel on va investir et donc le montant de l'investissement locatif ?
Olivier LENDREVIE
Ce sont en effet 2 solutions qui peuvent permettre de passer en dessous du taux d'usure. La réduction du montant emprunté peut permettre de raccourcir la durée de remboursement et donc d'accéder à des taux qui seront plus attractifs. Encore faut-il, si vous parvenez à réduire la durée de votre prêt, que votre taux d'endettement reste en dessous des 35% exigés par le Haut Conseil de stabilité financière... Mais d'autres solutions existent : la délégation d'assurance peut permettre de repasser en dessous de l'usure, emprunter à taux révisable peut permettre d'accéder à un taux initialement plus bas, opter pour une structuration juridique pour votre projet via une Société Civile Immobilière...
La Rédaction
Quels sont les leviers que l'on peut activer pour arriver avec un dossier qui ne pourra être refusé ?
Olivier LENDREVIE
Préparer votre dossier de financement en amont est la clé. Un courtier peut vous aider à faire cela en vous proposant les meilleures conditions du marché, optimisées en fonction de votre profil et votre projet. Il pourra également vous donner les bons réflexes : bonne tenue des comptes, épargne... qui permettront de valoriser votre profil auprès d'une potentielle banque prêteuse.
La Rédaction
Avez-vous des conseils pratiques à partager avec nos lecteurs investisseurs ?
Olivier LENDREVIE
Pour vos investissements locatifs, pensez à interroger un expert-comptable pour envisager une structuration juridique en personne morale (SCI, SARL familiale, SAS...).
La Rédaction
Un dernier mot à nos lecteurs ?
Olivier LENDREVIE
Ne pas renoncer à vos projets. Dans un contexte de retour certainement durable de l'inflation, l'investissement locatif est un des rares investissements qui vous permet de ne pas subir les conséquences de l'inflation mais plutôt en réalité d'en bénéficier (les loyers de vos locataires étant eux indexés sur l'inflation...). Quand on a l'opportunité de financer un projet tel qu'un investissement locatif avec un taux bloqué à un niveau très inférieur à celui de l'inflation, c'est une opportunité à ne pas manquer !
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